Le caneton déchaîné

Le Président Macron a contre toute attente quitté Paris ce matin à 6 heures. Un petit-déjeuner avec la presse jeunesse autour de la durée des vacances scolaires était pourtant prévu à 10 heures précises. C'est dans ce contexte tendu et la plus grande discrétion qu'un Airbus A330 doit décoller d'un instant à l'autre de Roissy tandis que que les membres de la cellule grise appellent le Président afin de négocier son retour... 

Jordan : Revenez-nous vite, Monsieur le Président, on a besoin de vous ici !

Bernie :  Il y aura des croissants et du jus d'orange, pas d'omelette cette fois !

EM : Non non, pas question ! J'ai passé l'été à griller à Brégançon et tout ça pour quoi ? Des journées trop chargées, des « on est là, on est là », et pour finir un putsch au Niger ! Et pourquoi pas à Alger, tant qu'on y est ! 

J : Mais que comptez-vous faire, Monsieur le Président ?  

EM : Ma foi, j'ai un agenda Quo Vadis bien rempli. Voyons : respirer l'air du large, trouver une location de motomarine pas trop chère, manger des moules au rhum... Enfin, je suis avec Brigitte et, comme le disait toujours, paraît-il, le Dr Rimsky-Korsakov à Aurélien à la fac : « Jamais seul, jamais quand ça va pas... »

J : Écoutez, plusieurs personnes de confiance aimeraient vous parler...

MA : Allo, Emmanuel, c'est Martine... Où êtes-vous ?

EM : Je n'ai pas dû bien articuler, un peu grabataire peut-être, c'est bien connu... Je ne vois d'ailleurs pas trop non plus ce que vous faites là, mais bon : je disais que je pars à l'île Maurice (!)

MA : C'est Martine, Emmanuel, pas Maurice !

EM : Bref. En plus je ne vois pas trop ce qu'on va bien pouvoir trouver de nouveau d'ici 2027...

MA : Appelle à voter PS, Emmanuel, profites-en !

B : On va devoir reprendre le téléphone, Mme Aubry !

J : Oui, on veut bien être gentils mais faut pas abuser non plus !

MLP : Vous avez bien raison, ça reste l'hiver austral et quitte à avoir chaud ! Moi aussi j'aime bien les îles notamment l'île d'Yeu. Et puis le rhum ! Port-Louis, St-Denis de La Réunion, éternelles villes du rhum ! 

EM : Vous comptez me tenir longtemps au téléphone Mme Le Pen ? Personne de confiance, tu parles !

J : Mais le grand projet d'ici 2027 !

B : Oui, c'est vrai, le grand bond en avant qu'on vous a mitonné pour-pendant-que vous profiterez du jardin tropical qu'on vous aménage dans la cour...

J : Sans compter toutes ces personnes de confiance qui s'apprêtent à retirer à la France ce joyau de la pensée républicaine qu'est la dévouée et fidèle Cellule grise..., 

EM : Bon d'accord ! Juste un rapide aller-retour le temps de refaire un peu de jet-ski et nous verrons bien en septembre...

(Suite la fois prochaine)

John s'était rendu finalement à Paupiac dans le sud-ouest du massif hercynien. Un joli petit groupe de maisons de pierre entourant les contreforts d'un clocher mis à part au niveau de deux voies de circulation plus modernes, ce qu'en somme on appelait ici un village. Une rapide promenade digestive, simple tour à pied, le conduisit aussitôt devant les fenêtres de Pauline, du moins d'après ce qu'indiquait la sonnette un peu plus bas. Mais John ne la tritura pas, et d'ailleurs, pourquoi ? L'annonce faite à midi d'un adénome par le docteur Bluger le perturbait bien suffisamment. Des pots de géraniums garnis sur les bords d'obsidienne étaient disséminés en ligne droite et à quelques mètres les uns des autres le long du trottoir, or notre marcheur pourtant aguerri se cogna. Cela lui changea néanmoins aussitôt les idées et il se dit qu'il pourrait peut-être publier le journal qu'il tenait assidument depuis ses 17 ans, et ce dès que deux ou trois romans auraient été bien lancés.

Lundi : Je suis passé à la pharmacie comptant bien nouer les relations les plus cordiales avec les habitants. La marchande, jeune femme brune toutefois bien peu loquace, me mit dans les mains une série de bandages, compresses, antiseptiques et détachants dès que je lui fis voir ma jambe. Excellente idée pour me faire connaître au plus vite des hôtes les plus secrets du plateau, et j'aurai ainsi rapidement appris que L. habitait bien la maison aux murs un peu lépreux juste après sur la gauche. 

Mardi : rapide montée au château, une sorte de maison de maître mais dont un troupeau un peu trop dense barrait le chemin. J'ai une fois encore bien de la chance (ou faut-il parler de providence ?) car le beau-frère de l'hôtelière, Mme Bêchut, répare les véhicules de cette marque que j'avais loués à la va vite (?) C'est tout de même le troisième, ce qui suggère fortement que j'avais bien fait sans me vanter d'investir dès le départ.

Mercredi : Jacques Bêchut n'était pas chez lui, aussi ai-je abandonné la (...) (à retrouver ?) à son assistant près de la cascade de Gloupiac. Retour à pied. De fines lamelles de brouillard se faufilent entre les cimes du puy Brocoly. Pourvu que le petit déjeuner n'ait pas encore été servi à 11 heures. Mme Bêchue sortie faire des courses, j'achète un sandwich que j'engloutis en prenant soin de passer sous les stores qui apportent ici une touche d'originalité ô combien touchante. L. n'est pas là ou elle n'est pas à sa fenêtre. J'aime bien parler aux chats ce que je fais après avoir seulement dépassé trois  encablures blocs (car toutes les façades ne sont pas si anciennes depuis le tremblement de terre de 1959). Curieuse coïncidence - une autre encore -, le tigre miniature se met à courir pratiquement à mon rythme. (La rage sévit-elle encore dans ces régions reculées ? Et au fait, les loups ? La pharmacienne n'en sait rien. Bonne pioche d'avoir acheté en plus du pain et du cabrettiou. L'unique restaurant ne m'avait pas inspiré, notamment la fraîcheur de probables truites, plat obligé après le "bounty" comme avant le clafouti. Tout de suite, ces mots m'évoquent le sud de la Loire, mais je n'ai, étrangement me connaissant, toujours pas adressé la parole à L.. En revanche, donc, le chat franchit finalement la porte du numéro X que je garderai bien entendu pour la version papier. Il s'agissait donc du sien. Ce doit avoir un sens. Mais lequel ? 

Jeudi : Des pluies abondantes depuis ce matin. Cela me rappelle L'année de tous les dangers, film si touchant avec une Sigourney Weather que j'aurai justement revue en milieu de journée dans le rôle de Miss Griffith devant passer l'après-midi au bar avec un policier (par rapport à l'absence de véhicule). Un roman...

Vendredi : La météo est si grise qu'une profonde nostalgie nous envahit probablement tous ici et là, au "garage", M. Bêchut qui me demande 2000 euros, le portable qui vibre encore, une fuite à Paris, ironie du sort, de celles qui décident de l'histoire et des grandes passions. Je parviens finalement à joindre un dépanneur en début de soirée. 150 euros pour le devis, mais je sens bien que je tiens là du vécu, du concret, que dis-je, de la matière même, ayant presque habilement profité de la présence de l'homme de l'art pour enquêter un peu sur l'anatomie automobile interne. 

Samedi : Malade comme un peuplier pris dans la tempête que nous avons connue la veille, je dois descendre à la pharmacie pour mon sirop et un bon déboucheur liquide en spray. Un train partirait du quai dans la brume, la bruine et la nuit, pourtant, la gare n'est pas toute prête donc en grande partie non seulement éloignée mais fermée. Je me promène avec une grosse fièvre dans la végétation soudain rosée telle une photographie infrarouge des temps anciens. Limite solarisée. La vie teinte tient en peu de choses.

EM : Respirez-moi ça Olivier ! La nature vierge, le ciel bleu outremer, la petite cascade couleur turquoise, les neiges éternelles... Alors, ça ne va pas mieux, déjà ?

OD :  Mon angoisse de la foule est guérie pour de bon, Monsieur le Président ! On ne sera pas dérangés ici. Mais qu'est-ce qu'on est haut...

EM : Vous êtes tout blanc. Mangez encore un peu de figues séchées, Olivier... 

EDM : Eh m(...) ! J'ai tombé le paquet. On n'a plus rien à becqueter Manu...

JFC : Je ne dirais peut-être pas outremer, mais c'est bleu. Ce n'est pas un lagon non plus... Et puis enfin, pas un nuage pour aménager un peu d'ombre, zéro syndicaliste pour faire des vagues, nul fanion LFI en vue au sommet : comme l'écrit le poète, « violences j'oublie tout » et vive le Pacifique près de chez nous !

EM : Ça fait du bien d'être soutenu, Jean-François - en plus je commence à avoir des tâches de la couleur de vot' ciel, plus de sérieux stigmates aux mains... Eh bien quoi ? Tu as vu des mouflons, Gérald ? Ça fait une heure que tu prends des airs absents avec tes jumelles... On était censés profiter du murmure du vent, des bonnes radiations cosmiques et de ce soleil vivifiant pour décider de quatre autres grandes réformes pour marquer le milieu du quinquennat...  

GD : Il y a des Femen ! Tout un groupe au sommet !

EM : Pas de panique Gérald : on t'envoie l'oxygène. Olivier, passe-lui la bouteille STP.

OD : Personne n'a craqué ! Personne n'a craqué ! J'ai fini la dernière Manu, mais ça va beaucoup mieux maintenant. Je descends en rechercher !

MS : Il faudrait que l'on pense à faire deux plans larges, par trois peut-être, tant qu'Olivier est encore parmi nous (?) Et il y a la vidéo Quechua pour Instagram aussi... Manu premier-de-cordée-au-dessus-de-la-mêlée, l'équipe soudée sur la glace, je voyais bien aussi un thrombi du gouvernement en alignant la douzaine d'images à la queue leu leu...

BL : « Elle buvait une menthe à l'eau, cherchant du regard un spot où planter son pic. Et moi, je n'en pouvais plus. Bien sûr que je ne l'ai pas vu, son bermuda Décathlon. Devant nous se tenait dans toute sa gloire retrouvée, Emma... » Je crois que je tiens un truc à la fois sympa et original à publier avant les présidentielles !

EM : C'est gentil Bruno, mais agrippe au moins un peu la paroi avec une main. Enfin zut ! concentrez-vous tout le monde... Et dîtes à Olivier de faire demi-tour !!

(Tout va bien : pour le retour, on a pris le tunnel...)

Les minutes improvisées de la salle des pas perdus de l'Élysée.

B. : Monsieur le Président, il y a un bonhomme devant la porte qui dit vous soutenir et vouloir vous rencontrer. Mais la sécurité nous fait part de ses réticences : il s'agit sûrement d'un fou - il a un accent à couper les chevaux en quatre tout en affirmant être influenceur à Rabat quand ce n'est pas donner des conseils au roi « en lieu et place de son taf... » 

E. :  Au rabais, pas à Rabat ! C'est Taoufi Benzaza-de-Berkane, un jeune influenceur qui a fait ses armes au Marrakech du Rire. Faites-le entrer au plus vite : les rues ne sont plus aussi sûres et on pourrait bien nous l'enlever ! 

(...)

TB : Bonjour et merci beaucoup, Président Macron. J'étais hier devant la télévision et je me disais : ce n'est pas possible ! Lui, il est tout souriant comme ça pendant quatre ans pour une histoire de cantharides - ma grand-mère reconnue pour connaître tous les remèdes à Berkane n'y croyait pas ses yeux. « Il faut tout revoir à zéro », lui ai-je répondu, « et me voici » (Il fallait vider l'urinoir donc je sais ce que sont les affaires dans le désagrément...)

E. : Et que proposes-tu Taoufi - si on peut s'appeler Taoufi ?

TB : C'est un pseudonyme Taoufi, Taoufi Tony Benzaza - TTB pour les abonnés et suite à une histoire stupéfiante que je n'ai pas jugée utile d'emmener du Tribunal de Commerce d'Oujda...

E. : Et donc ?

TB : Comme ça, j'étais dégoutté. Ils te font un Coup d'État permanent, Manu, tous les députés et journaux bien comme il faut d'habitude, une histoire de deux ans de travail en France et tout, que Pierre Mauroy ou la sorcière Lilith Le Pen auraient fait passer - l'un ou l'autre, pas ensemble non plus - sans crier « gare ! » Et soudain, tout le monde s'agite et le fourbe général Mélenchon veut redevenir Premier ministre comme en 2022 - de sinistre mémoire et dont pas trace n'a d'ailleurs été laissée...

E. : Que proposes-tu, alors... Taoufi ?

TB : Les gens, il faut leur mettre des baffes, la presse, les convoquer et leur dire : « Tu crois que j'ai pas vu ton petit jeu pour vendre du papier et faire hurler au loup comme si c'était la maternité ! Tu veux que la bête du RN, elle soit accrochée au JT comme un quartier à son crochet de boucher mais confortable çui-là, tranquille avec des bains de foule tout parfumés et rafraîchis à l'avance ? Tu vas avoir une nationalisation fiscale de Mélenchon, ou les chacals viendront chez toi organiser des réunions chorizo - méthanol - conférence de rédaction à la DRH - mords-moi-le-noeud ! Tu leur dis comme ça, les yeux dans les yeux, au lieu de sourire à tout le monde pour faire du foin de cantharides...

E. : Merci de tout coeur pour ton soutien, Taoufi. Permets-nous de te remettre cette photographie du Président François Hollande aux côtés de Sa Majesté le Roi Mohamed VI pour tes bons et loyaux services - et pour ta pêche (!) - en ligne... 

TTB : C'est tout ? enfin je veux dire : c'est déjà fini ? Tu m'étonnes... (!) Mais que la paix et la sérénité t'accompagnent avec le souvenir de tout ce que je sais faire à Berkane dans ma maison qui est aussi la tienne, Président Jupiter Hamdoullah ! 

(Suite la semaine prochaine depuis ici à Londres)

Les miettes réellement confidentielles de la cellule 14 Esc. 2 Et. 3 du palais de l'Assemblée du peuple (chinois simplifié : 人民大会堂 ; chinois traditionnel : 人民大會堂 ; pinyin : Rénmín Dàhuìtáng).

EM : Monsieur le Président, quel bonheur de retrouver calme et grands espaces. Je n'avais rien vu de tel depuis le Canada la semaine passée. Il faudra vraiment que vous me notiez la marque de votre tisane ! Moi qui pensais que ce « sacré numéro que j'aime à faire connaître » - comme l'a si bien décrit le Sage - nous arrivait du Japon... Enfin, au moins, le bouddhisme, être chinois !

XJ (au traducteur) : Vous rajoutez pareil sur la liste, avec la référence de la copie de la voiture blindée d'Ivan sans Terre, en précisant bien « à facturer à part de la montre de Joe Biden », et la fresque « Le Peuple et les hirondelles aux fenêtres quand arrivent le printemps et François-Henri Pinault », en 10 mètres sur 16,18, comme celle de Litchi Rickshaw...

GD : Salut, je ne dérange pas au moins ?

XJ : Qui est ce dissident libertaire plein de Covid-23 neurologique et de 'houtspa française ?

EM : C'est Gégé la Saumure, un ami. Il est un peu caractériel, mais vous avez dictature et nous avons Gégé. Très efficace : il n'y en a pas deux, comme nous l'a dit tout à l'heure Louis Vuitton !

GD : Bonjour Monsieur, pas d'affolement, ce n'est que moi et ça va bien se passer... B'jour Manu. Ça me démangeait de te reparler de ce poste de grand Mamamushi, pour causer un peu TikTok (!)  

EM : Oui, pourquoi pas en théorie, on sait bien tout l'intérêt que nous partageons avec Brigitte et l'ensemble des Français pour les nouvelles formes d'influence et...

XJ : Menaces dans gâteau chinois, confinement, nems tête coupée...  

EM : Vous dîtes, camarade grand Président ?

XJ : 其他人，有时不是所有楼层的阿海珐, « Autre peuple, parfois pas Areva à tous les étages », un proverbe chinois !  

(Suite trop vite)